À 17 ans, elle faisait son premier Olympia en lever de rideau de Claude François. Une vie plus tard, Michèle Torr continue à avoir besoin de la scène. L’amour et ses tracas : « Il en reste toujours de l’amour. » Témoignage d’une femme qui a aimé et souffert, en concert le 1er mars à Belfort. Par Christine Rondot.
Michèle Torr en tournée pour ses 60 ans de chanson. À Belfort le 1er mars 2024.
Michèle, vous repartez en tournée et celle-ci vous conduit à Belfort, à la Maison du Peuple, le 1er mars à 20 h. Vous célébrez un sacré anniversaire : 60 ans de carrière !
Je fête 60 ans d’amour et de partage. Partir en tournée, ce sont mes vacances à moi : j’aime cette vie de saltimbanque, avec une équipe et la scène. Retrouver ce public fidèle qui est comme une seconde famille, sentir cet amour, reconnaître des visages. Quelle chance j’ai eue de réaliser mon rêve de petite fille ! J’étais sûre de vouloir être chanteuse et j’ai pu le vivre tout en ayant ma vie de femme.
Vous chanterez vos tubes, dont les deux Disques d’or, « J’aime » (1977) et « Emmène moi danser ce soir », plus de 600 000 exemplaires en 1978. Mais vous, quel est votre titre préféré ?
J’en appelle à la tendresse.
L’amour a conduit votre vie, dans tout domaine ?
Je suis très maman, très famille, et c’est pourquoi je n’ai pas choisi de faire une carrière internationale, même si j’ai aussi enregistré en allemand ou en japonais. Ma carrière a démarré très fort en 1962, j’ai connu un rythme soutenu avec 250 concerts par an, deux équipes de musiciens, un avion privé (elle rit). J’ai eu mon fils très vite aussi, j’avais vingt ans. Je voulais vivre ma passion et pouvoir rentrer chez moi. Côté chansons, j’ai eu la chance d’avoir des auteurs-compositeurs comme Didier Barbelivien, Pierre Delanoë.
Comment avez-vous découvert votre voix ?
Maman a sans doute été la première à repérer ma voix. Elle était joyeuse, vivante, extravertie, elle chantait toute la journée. Quand j’étais petite, dans mon lit, je rêvais d’être chanteuse. J’ai fait mon premier concours de chant à 6 ans et j’ai gagné en chantant Bonbons, caramels d’Annie Cordy. Les radio-crochets se sont enchaînés, je gagnais tout !
Vous l’avez emporté devant une autre grande voix, Mireille Mathieu !
C’était en 1962, je me présente au concours « On chante dans mon quartier » à Avignon. J’ai été première dans toutes les catégories. Johnny Stark, agent artistique, m’a alors proposé un contrat mirobolant que j’aurais bien signé des deux mains mais ma mère a trouvé cela suspect. Il a signé avec Mireille Mathieu et il a tenu ses promesses. J’ai fait un autre type de carrière, plus doucement, plus seule.
C’était l’époque des tournées intensives !
Quand j’ai reçu mon premier chèque de Philips, je me suis dit : « En plus je suis payée ! ». À l’époque je ne pensais pas à la retraite, les producteurs ne nous donnaient pas toujours la petite vignette rose en fin de concert…
Et vos amours… pas faciles !
J’ai eu plusieurs vies. Quand on aime, on ne dés-aime pas. Mon premier amour s’appelle Michel, il était musicien et nous avons pensé à nous marier. Nous sommes restés amis. Puis il y a eu Christophe, un amour fou, merveilleux. Je savais ses folies du moment. Je n’ai pas été surprise. Romain [le fils qu’elle a eu avec le chanteur Christophe mais qu’il n’a jamais reconnu, NDLR] était petit quand j’ai rencontré Jean Vidal, mon époux. Nous avons eu une vie de couple magnifique. Il a adopté Romain, nous avons eu notre fille Émilie, la maison était pleine de copains, de rires, nous faisions les goûters, les anniversaires, j’ai aimé cette vie de famille. Je me suis ensuite mariée avec Jean-Pierre Murzilli, nous avons passé 25 ans ensemble. J’ai alors connu l’amour vache, la bagarre, l’amour difficile mais une forme d’amour quand même.
Est-il vrai que Jean Vidal vous a laissé une dette de 5 millions de francs au moment de votre divorce ?
Oui c’est vrai. Mais il n’était pas malhonnête. Cet argent, nous l’avions dépensé ensemble, nous menions grand train. Quand j’ai pris conscience de la situation, je suis allée voir les impôts, j’ai vendu deux maisons et j’ai épongé mes dettes. Avec Jean Vidal, nous avons continué à nous aimer mais autrement. Nous faisions les anniversaires ensemble. J’avais confiance en lui, je considère encore que c’était lui mon époux.
J’ai appris la douleur de Romain de ne pas être reconnu par son père biologique lorsqu’il a publié son livre, après la mort de Christophe en 2020. Romain savait la vérité et tout nous paraissait clair, nous ne savions pas qu’à l’école on lui rappelait sa blessure d’abandon. Il a eu la chance qu’Yves, le plus jeune frère de Christophe, recrée du lien, vienne le visiter. Romain s’est autorisé à rencontrer son père et à faire sa connaissance, en cachette de son épouse, après le décès de Jean Vidal. Il a alors découvert sa famille de sang et pu trouver la paix. Je ne suis jamais intervenue. Pour ma part, 50 ans après, j’ai revu Christophe lors de la soirée des 90 ans de Marcel Amont et nous avons pu nous parler de Romain. Christophe est venu chercher Romain lors des obsèques de son frère Yves, Romain a pu y assister discrètement, dans son fauteuil roulant.
Vous ne semblez pas ressentir de rancœur alors que vous avez beaucoup souffert de votre dernier mariage ?
J’y laissais ma santé et mon moral, il a fallu que je me préserve. J’ai tout accepté pour partir, là j’ai perdu beaucoup d’argent. La liberté n’a pas de prix. Il me reste des blessures.
Que pensez-vous des mouvements féministes revendicatifs d’aujourd’hui ?
Je n’en pense rien. Les choses changent. Les filles sortent en bande, elles font d’autres choix. Jeune fille, je lisais Le Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir et je trouvais qu’elle avait raison en tout.
Concert le 1er mars à 20 h, Maison du Peuple de Belfort, 49 euros, placement libre. Billetterie habituelle et chez Projet 90 (03 84 26 79 65), également le 29 février à Mutzig, le 3 mars à Sausheim.